Augustin DE ROMANET, Président Paris Europlace : « ON N’EST HEUREUX QUE SI L’ON A LE SENTIMENT DE CONTRIBUER »

Pour cet ancien dirigeant d’ADP, l’engagement des salariés repose avant tout sur la reconnaissance concrète : formation, santé, attentions au quotidien.

Quelle est votre définition de l’engagement dans l’entreprise ?

C’est la faculté pour un salarié de considérer que le sens de l’action de l’entreprise, d’une part, et le retour qu’elle lui fait à titre personnel, d’autre part, justifient des efforts de travail, d’innovation, et un souci de loyauté dans le temps. Un salarié, on lui demande trois choses : produire, innover, et être loyal. Pour qu’il le fasse bien, il faut qu’il ait le sentiment qu’il y a une reconnaissance. Et cette dernière existe s’il considère que l’entreprise reconnaît son travail, répond à ses ambitions de formation, de promotion et lui porte suffisamment de petites attentions, comme une épargne salariale opportune ou une prévention en matière de santé. Chez ADP, nous avons été les premiers à offrir à tous les salariés le même check-up médical que celui des membres du Comex. C’est un exemple parmi d’autres, mais ce genre de geste compte énormément. Ce sont ces preuves-là qui donnent envie de s’engager dans la durée.

Et le rôle du manager de proximité dans tout cela ?

On n’est heureux que si l’on a le sentiment de contribuer. Et l’on contribuera d’autant plus qu’on sent que l’on a un retour. Pour le manager, c’est exactement le même mécanisme que pour n’importe quel salarié. L’engagement qu’il manifeste chaque jour – en assurant le bon ordre de ses équipes, en les élevant, en déléguant intelligemment – doit être reconnu par sa propre hiérarchie. Il faut donc lui offrir un cadre de travail adapté, des perspectives de formation et de promotion, et ce que j’appelle les « zakouskis » : cinq formes concrètes d’attention que l’entreprise peut avoir envers ses collaborateurs. Il s’agit de prendre en compte les situations d’aidants, la parentalité (quand la crèche ferme ou que les grands-parents sont loin, tout change), la prévention santé, le sport et l’éducation financière. Ce sont des gestes simples, mais décisifs.

Pour l’entreprise, c’est un investissement valable ?

Bien sûr. Encore faut-il avoir en tête que la vraie richesse d’une entreprise, ce sont ses collaborateurs. La qualité de ses troupes, et la fluidité de l’information. J’ai vu des entreprises perdre en cohésion simplement en changeant de site, parce que le lieu n’était pas attractif pour les salariés. Ce sont des signaux à ne pas négliger !

Justement, comment avez-vous géré le déménagement des équipes d’ADP de Paris vers Roissy ?

Un déménagement a toujours une bonne raison, qu’il faut assumer pleinement. Dans notre cas, il s’agissait de renforcer la crédibilité d’ADP vis-à-vis des compagnies aériennes, de montrer une présence opérationnelle sur le terrain. En 2013, lors d’une crise de neige, on m’avait conseillé de rester au siège, dans le centre de Paris, et de ne pas aller à Roissy. J’y suis allé quand même, ce qui m’a permis de beaucoup mieux gérer la crise, tant sur le plan opérationnel que médiatique. Le déménagement était nécessaire : pour être légitime, il faut vivre la réalité des opérations. Mais il fallait aussi respecter les contraintes personnelles. J’ai donc instauré une clause de conscience : chaque salarié pouvait refuser le transfert à Roissy, sans justification. Très peu y ont eu recours, mais cela a évité bien des tensions. Et pour ceux qui refusaient, on proposait un poste à Orly. Entre Paris, Orly et Roissy, on offrait une vraie flexibilité. C’était un message fort : la parole des salariés compte.

Et le télétravail, comment s’intègre-t-il dans cette logique ?

Dans une entreprise comme ADP, avec des sites de travail souvent éloignés des domiciles, le télétravail a été une véritable avancée, notamment pour les fonctions support comme les juristes. Éviter les trajets quotidiens jusqu’à Roissy, c’est un gain considérable de qualité de vie. Mais le risque, c’est l’isolement. Travailler seul, dans une cuisine, sans cadre collectif, peut nuire à l’engagement. C’est pourquoi j’ai proposé la création de centres de télétravail décentralisés dans Paris, proches du domicile des collaborateurs. Dans le 17e, le 20e arrondissement… L’idée était d’associer flexibilité et lien humain. Le projet n’a pas abouti, mais je reste convaincu que c’est une piste d’avenir. Quoi qu’il en soit, plus les entreprises montrent de petites attentions à leurs salariés, plus elles les fidélisent.